Vivastella
Il y a le jeune homme amoureux des fleurs et surtout des dahlias, le porte-drapeau qui pavoise tout Paris aux couleurs des aléas politiques, cette danseuse sur les bords du Tage, ce peintre acrobate au service d'un artiste démiurge, ou encore ces deux aviateurs qu'un mystère sépare et réunit sur trois plaques photographiques éparpillées à travers le monde. À toute vitesse, les récits s'enchaînent, forment une ronde, des boucles à travers le temps, d'une guerre à l'autre, de l'illusion à la désillusion. Les huit tableaux de Vivastella mettent en scène la rencontre, la séduction et la séparation d'individus jetés comme des dés dans le tumulte de la grande Histoire, tous unis par un motif à double tête : la peur et le désir.
Tout au long de leurs courses folles, d'hôtels de luxe en casinos, de gargotes en maisons de rendez-vous, les pantins anonymes de cette comédie humaine des Années folles, puis des Années sombres, croisent la route de Cocteau, Arletty, Mae West, Douglas Fairbanks, Doriot ou même Staline. Et aussi un certain Georges Dewalter, tout droit sorti du roman L'Homme à l'Hispano, de Pierre Frondaie. Chaque portrait est celui d'une cassure, d'une incompréhension, matérialisée par un objet, un fétiche, une obsession.
Il y a, chez Yves Pourcher, une jouissance du rythme, de la danse infinie. La vie va, éperdument, à bord de l'Orient Express, du Yankee Clipper comme d'une Renault Vivastella, leitmotiv de l'ouvrage. Mais c'est un amour teinté du désespoir des éternels déçus, des oublieux et des oubliés. En filigrane, une solitude profonde s'insinue dans ces pages intenses où les êtres sont happés, puis séparés par les lignes brouillées du temps. Chaque récit de cette fresque quasi-cinématographique devient un vertige qui ne peut cacher la médiocrité des uns, la tristesse des autres et la finitude de tous.