Tryggve Kottar
Tryggve Kottar
Je songeais. J'avais l'étrange impression qu'il me lançait un défi, que je ne savais comment relever. Je ne pouvais pas rivaliser avec un élan. Je ne rivalisais déjà pas avec un homme. Mon dos était fragile, mes bras maigres, mon visage fantastique. De plus, j'étais acariâtre, misanthrope et sans ambition. J'étais accompli dans ma veulerie, on ne pouvait faire mieux.
Tryggve Kottar vit à l'écart d'un hameau, dans un temps incertain, quelque part en Scandinavie. Ses journées ne sont contraintes que par le travail du potager, et s'écoulent paisiblement entre introspection et contemplation de la nature. Quand un élan, à la saison de ses amours, vient affoler cette quiétude par ses ébats, tout bascule alors inexorablement dans la vie jusque là délicieusement hors du monde de Tryggve Kottar.
Dans ce premier roman, porté par une langue d'une profonde originalité, Benjamin Haegel s'attaque à une histoire hallucinante qui nous plonge sans ménagement dans la face érotique du retour à la nature, qui nous emporte, sans que l'on s'en méfie, à la découverte de la part animale qui affleure sous le vernis de notre apparente humanité.
Les chimères androgynes de Marie Boralevi oscillent entre l'humain et l'animal, se jouent, avec une extrême acuité et autant de délicatesse, de la violence qui les sous-tend.