Médée, un monstre sur scène : réécritures parodiques du mythe, 1727-1749
Au XVIIIe siècle, l'infanticide perpétré par Médée fascine autant qu'il révolte les spectateurs. Par son crime, la magicienne de Colchide devient un « monstre », c'est-à-dire un prodige qui ne peut être porté à la scène qu'avec précaution pour ne pas provoquer de rejet. Mais le personnage hérité de la mythologie antique est aussi une formidable occasion pour introduire des changements spectaculaires de décor et autres effets de machinerie : le merveilleux trouve sa pleine justification dans les pouvoirs occultes de Médée.
Si la Comédie-Française donne à plusieurs reprises au XVIIIe siècle la tragédie Médée de Longepierre (1694), l'Académie royale de musique programme régulièrement Thésée de Quinault et Lully (1675), qui se déroule à la Cour du roi Égée où Médée s'est réfugiée après avoir tué ses enfants. Quant à l'opéra Médée et Jason, d'après un livret de Pellegrin et sur une musique de Salomon (1713), il reçoit un accueil si chaleureux à sa création que le compositeur est salué, selon Titon du Tillet, « comme un Orphée sur notre théâtre ». Pour la première fois depuis l'édition originale de 1713, le livret de Pellegrin est réédité par Benjamin Pintiaux dans le présent volume.
Tandis que Longepierre et Pellegrin se focalisent sur la mère criminelle, Quinault dresse de Médée le portrait d'une femme jalouse, passée maîtresse dans l'art de concocter des poisons et d'invoquer des créatures démoniaques. Témoins de l'attraction durable exercée par le mythe de Médée, six parodies sont jouées entre 1727 et 1749 : deux à la Foire Saint-Germain (l'une à l'Opéra-Comique, l'autre au Nouveau Spectacle Pantomime), quatre à la Comédie-Italienne. Grâce à ces parodies que nous publions, le lecteur pourra assister à la transformation d'« un monstre sur scène » en objet ludique.