Le Dieu de la République : aux sources protestantes de la laïcité (1860-1900)
Cet essai a pour ambition de revisiter la thèse de l'influence protestante dans les débuts de la Troisième République. Il s'efforce de définir de quel protestantisme - libéral -, et de quelle laïcité - religieuse -, il s'agit, et de donner à comprendre ce moment particulier de l'histoire de France où le protestantisme a pu offrir une religion et une morale à des élites nouvelles qui ne voulaient plus du catholicisme. On rencontrera ici plus Quinet que Michelet, plus Renouvier que Comte ou Littré, plus Buisson que Ferry.
Cette contribution à une autre histoire de l'idée républicaine met en scène des «lieux» décisifs, l'exil en Suisse romande, le Dictionnaire de pédagogie, la Critique philosophique, les Écoles normales supérieures de Sèvres et Fontenay-aux-Roses, les premiers manuels d'instruction civique... Le tout a composé une France studieuse et austère, regardant du côté de maîtres étrangers, Suisses, Allemands ou Américains, désespérant du catholicisme mais apprenant à lire, à méditer, à prier même, comme quelque république puritaine. Surprenante génération, de la défaite de 1870 à l'affaire Dreyfus, avant le retour à un face à face plus classique entre catholiques et anticléricaux.
L'ouvrage invite également à réfléchir à la manière dont une société peut «sortir» de la religion, selon qu'elle est catholique ou protestante, et va du côté d'une laïcité «sans Dieu» ou d'une religion civile à l'américaine. La Troisième République des années 1880, au moins dans son école et sa morale, a penché de ce dernier côté. Elle avait un Dieu, «protestant» ; ou tout au moins un nouveau Port-Royal, où l'ancien pasteur Pécaut apprenait à l'élité féminine du régime l'art de vivre, et même l'art de mourir, selon ses mots. Une poignée d'hommes et de femmes n'ont pas craint alors de retravailler la matière France. Nous sommes les héritiers de ce chantier moins flamboyant, mais peut-être aussi profond que celui de la Révolution française.