LES AUTEURS LAURÉATS D'UNE BOURSE DE CRÉATION EN 2024

Lors de la première session 2024, 8 autrices et auteurs d'Occitanie se sont vu attribuer une bourse de création littéraire, en soutien à leur projet en cours. Découvrez-les...

Publié le 08/07/2024

Ouvertes à tous les auteurs vivant en Occitanie et sous certaines conditions de publication, ces bourses révèlent de nouveaux talents et distinguent parfois des écrivains bien avant qu’ils n’acquièrent une reconnaissance publique. Elles consolident également des parcours de créateurs déjà reconnus afin de les accompagner dans l’avancement de leur œuvre et favorisent la traduction d’œuvres étrangères en français. Ces bourses sont destinées à soutenir des projets déjà structurés et en cours d’écriture.

 

Lauréats 2024

Maylis Adhémar

© Astrid di Crollalanza 

 

Partager la vie d'une écrivaine, c'est constater qu'on peut étendre une machine tout en arpentant les steppes mongoles, concocter des lasagnes en pistant l'ours au fin fond d'une vallée pyrénéenne, passer la serpillière en échafaudant des plans révolutionnaires planquée dans les ruines d'un château. Là mais jamais tout à fait là. La tête toujours remplie d'histoires.

Si je devais définir le travail de Maylis, je dirais qu'elle est l'écrivaine de l'enfance. Pas des enfants. Je parle de cet état, qui ne s'arrête en réalité jamais si on en prend soin, qui fait qu'on ne comprend pas pourquoi on devrait se plier aux normes. De cette pulsion organique qui pousse à ne jamais accepter la réalité de la vie telle qu'elle est. Et qui fait qu'on s'étonne de tout, qu'on questionne tout. En bon anarchiste sur patte. Au fond, ce qui fait qu'un livre de Maylis nous touche autant, c'est qu'elle n'a jamais perdu de vue cette flamme qui, toute petite, lui faisait inventer une langue pour échapper au contrôle des adultes, cette race d'humains si étranges. Et déjà, écrire tout un tas d'histoires qu'elle a toujours gardé en tête. Matière première idéale dans laquelle elle puise à l'envie pour modeler son monde et ses romans nourris aujourd'hui par un intense travail d'historienne et de journaliste, sans cesse à la rencontre des autres.

Un livre de Maylis Adhémar se lit comme les enfants perdus s'empiffrent des mets les plus succulents dans leur pays imaginaire. Avec joie et passion. Sauf que ses mots, on est sûr qu'ils existent bien.

Nicolas Mathé, journaliste

Tatiana Arfel

© D.R.

Un jour, ma boîte mail a fait surgir un mail de Tatiana Arfel. La beauté de ce nom, on ne l’oublie pas – encore moins quand on est fervente lectrice du Matricule des Anges, où ont figuré tôt ou tard tous les noms des écrivains qui ont compté pour moi. Un mail laconique, bref sans être expéditif, qui disait en très peu de mots la quintessence de nos toutes jeunes éditions Fugue (« Je m'adresse à vous pour la musique et l'oralité ») et la souplesse de l’autrice (« Je suis ouverte à toute critique et retravail »).

Ce que le mail ne disait pas, c’est le coup au cœur que nous ferait la lecture de La Ronde des poupées et la rencontre avec son extraordinaire dame pipi, Émilienne ; c’est aussi l’immense drôlerie et l’irrésistible spontanéité de Tatiana. Non que celle-ci ne considère son travail d’écriture avec la gravité requise. Mais elle semble aborder l’existence et ses surprises avec ce qui fait, à mon avis, les plus grandes qualités de l’écrivain : la curiosité sans l’esprit de sérieux, l’écoute généreuse, la prise en considération sans lourdeur des aléas de la vie comme de la décisive comédie de la publication.
Toutes raisons pour lesquelles la rencontre de Tatiana est un cadeau ; et la lecture de ses livres, charnels et musicaux, un bouleversement.

Sophie Bogaert, éditrice aux éditions Fugue

Charles Aubert

© D.R. 

Quand j’ai rencontré Charles Aubert en 2021, je n’avais lu que ses deux premiers romans, mais je pressentais déjà que le courant passerait entre nous. Au fil de notre discussion, j’ai vite compris que je n’avais pas affaire à un simple auteur de polar. Charles est avant tout quelqu’un d’une bienveillance rare, qui porte sur le monde qui l’entoure un regard empreint d’une grande humanité.

Ses écrits vont du roman policier, à la biographie d’un jeune boxeur au destin hors du commun, en passant par le récit initiatique d’un homme à la recherche de son père. L’œuvre de Charles est à son image : diverse et plurielle. La nature y tient une place importante. Tout comme la littérature. En amoureux des mots, Charles nous invite à faire un pas de côté pour prendre le temps d’observer, de méditer. Et pour avoir eu la chance de participer à des salons littéraires à ses côtés, quand des lecteurs viennent échanger avec lui, il est souvent question de poésie, d’humour et du plaisir qu’ils ont eu à le lire. Comme je les comprends.

Nicolas Nutten, Auteur Gagnant du Prix du Suspense psychologique 2020

Laurent Bonneau

© Laurent Bonneau 

Texte à venir ...

Anne Bourrel

© Paul-Eli Rawnsley 

On s’est connu sur une piste de danse. Et c’est un bon début pour se rencontrer. Voir qu’on est d’accord sur ce qu’on montre de nous. Il y avait une évidence à être amies. Nous nous sommes lues bien sûr et continuons de nous donner des conseils, nous partageons nos vies d’autrice et ses aléas.

Anne est multipiste, pluri-genre parce qu’il faut toujours chercher, puiser dans les formes afin de diversifier l’expérience d’écrire pour approfondir sa propre langue. Poésie, théâtre, roman. Anne traduit aussi parce que le son dans l’oreille lui semble extrêmement important, parce qu’elle aime ce qui lui est étranger, ce qui sonne autrement. Anne est une curieuse. Son parcours est donc fait d’une multitude d’écrits dans lesquels se dessine une singularité fabriquée du dedans et du dehors d’elle-même, consolidée par l’apprentissage de l’autre, emprunt d’humour et de sensualité comme au premier jour sur la piste de danse.

Natyot, Romancière, poète et chanteuse


 Simon Hutt T

© Simon Hutt T 

Simon est probablement le gars le plus cool du monde. Cet enfant des années 90 évolue sans prise de tête entre le jeu vidéo, l’illustration et la BD, tel un mandalorien qui suit sa propre voie (l’armure bezkar en moins). La tête pleine de couleurs flashy héritées des jouets qu’il collectionne (le mauve fluo étant un pantone qui devrait porter son nom), il perfectionne jour après jour son style unique, un concentré explosif de pop culture, de dynamisme et de chromies, véritable bain de jouvence pour quiconque pose ses yeux sur ses créations.
Vissé à sa tablette graphique, une manette Xbox dans la main et un stylet Wacom dans l’autre, il explore les confins de la créativité avec une passion inaltérable, relève tous les défis créatifs, passant avec aisance du Western à la SF, toujours prêt à partager sa passion lors de ses livestreams, où il dessine en direct tout en discutant avec ses abonnés. Simon ne fait pas partie de la tribu des nostalgiques, de ceux qui disent « que c’était mieux avant ».Il est des rares qui transforment leurs souvenirs d’enfance et inspirations d’ado en créations singulières et personnelles, résolument tournées vers l’avenir.
En définitive, Simon incarne parfaitement l’esprit 619: talentueux, passionné, attentif aux détails et avide d'explorer de nouveaux horizon. Et un super pote, en plus !
Son seul défaut : sa collection de cartes Lorcana. Mais on lui pardonne.


RUN (scénariste BD)

Maïs-Alrim Karfoul 

© Reem Khader

Texte à venir ...

Simon Lamouret

© Bertrand Gaudillère 

Pour les Oulipiens, pas de doute : la contrainte formelle s’avère formidablement libératrice et fertile pour la création. De la même manière, Simon s’empare et s’amuse des contraintes de la bande dessinée. D’un album à l’autre, il ne cesse de jouer avec les cadres pour semer des indices sur ce qui se trouve hors-champ, que ce soit pour donner à voir des scènes de rue à Bangalore, pour raconter le microcosme gravitant autour d’un immeuble en construction, ou encore pour imaginer comment un absent, à travers les objets qu’il a possédés, déteint sur les personnes qui explorent sa maison.

Toute la force de l’œuvre de Simon, c’est de dire sans affirmer, suggérer sans expliciter. Le morcellement des pages en vignettes permet l’ellipse, et donc une extraordinaire richesse d’interprétations. L’expérience de lecture devient ainsi plurielle. D’ailleurs, c’est peut-être cette multiplicité des regards et des points de vue qui sous-tend le travail de Simon : comment une seule et même réalité est-elle perçue et vécue par diverses personnes, à divers moments ? Comment, ensuite, restituer ces perceptions et vécus protéiformes ?

Le choix des techniques reflète à merveille cette quête fondamentale, quasi philosophique. Crayon, feutre, marqueur, gouache, aquarelle : comme un comédien changerait de voix pour interpréter différents personnages, Simon jongle avec brio d’une technique à l’autre. Voilà qui est révélateur de sa jubilation d’artiste heureux d’explorer sans fin le champ de la création !
 

Magali Brieussel, librairie La Géosphère (Montpellier)

Delphine Panique

©D.R.

Elsa Quéré

©D.R.

Elsa Quéré aime la bataille. Son entrée en traduction, elle l’a faite en juillet 1936, en pleine insurrection anarchiste à Barcelone (Chris Ealham, Barcelone contre ses habitants, CMDE ; Les anarchistes dans la ville, Agone). Puis elle s’est transportée au XVIIIe siècle, à Londres, où l’on pendait les tire laine pour imposer le régime capitaliste du salaire, et où les pendus répliquaient par la perruque pour assurer leur survie. Là, elle a lutté à leurs côtés pour offrir au lectorat francophone un accès à la parole des ouvriers et autres travailleurs de la mer. L’argot des tonneliers, des charpentiers navals et des bistrotiers irlandais des quais de Tamise n’ont plus de secret pour elle (Peter Linebaugh, Les Pendus de Londres, CMDE/Lux). Aujourd’hui, elle prête sa voix à des esclaves dont le témoignage a été enregistré dans les années 1930 aux États Unis (Ni fouet ni maître à paraître chez Ici bas). Cet ouvrage parachève un travail d’une traduction à l’écoute, dont les exigences littéraires et linguistiques sont mises au service des oubliés de ce monde. Et quand on dit que les mots ont un poids, on veut aussi dire qu’ils sont des armes. Elsa Quéré le sait. 

Nathan Golshem, écrivain et traducteur

Jérémy Rubenstein

©D.R.

Texte à venir ...

Benoît Séverac

©Christelle Camus

Ce qui frappe d’abord quand on rencontre Benoît Séverac, c’est sa présence physique. Une façon d’être là, d’habiter totalement l’instant, mais avec toujours l’air de nous dire « Regarde, ta place est là ». Il n’occupe pas tout l’espace, non, mais il l’ouvre pour nous, le sécurise de sa présence bonhomme. 
C’est pareil en littérature, il ouvre des espaces et nous y convie ; noirs espaces souvent, dans les replis des individus, des familles, des attentes et des désirs ; espaces en marge, lieu des exilés, des exclus, des “autres” et de leurs urgences.
Il est d’un bloc, Benoît, c’est un homme entier et, dans le même temps, multiple, changeant, divers.
Diversité de ses vies, lui qui fut tour à tour punk, gardien de brebis, restaurateur de monuments funéraires, professeur de judo, photographe, dégustateur de vins, conseiller municipal, parrain du festival Enfin livre…
Diversité de ses livres, lui qui écrit pour les adultes comme pour la jeunesse, lui qui a exploré le handicap, le djihadisme, la Grande guerre, la Gaule romaine ou la préhistoire, les Osages ou les Juifs spoliés, toujours à hauteur d’homme, usant toujours d’une écriture ciselée, lucide et ferme.
Un homme paradoxal. Un occitan de tous les confins. Un être de racines comme de trajets.
Il est de ceux dont chaque rencontre est une fête, car c’est à chaque fois le même récit essentiel qu’il nous raconte et pourtant nous découvrons chaque fois une nouvelle histoire. C'est sans doute la définition d’un ami. C’est aussi celle d’un écrivain.

Cyril Binot, président du festival Enfin Livres de Cazères-sur-Garonne (31)
 

Juliette Vallery

©Patrice Teisseire-Dufour

La petite musique de l’écriture de Juliette Vallery opère un sortilège. 

Celui de faire surgir des mots, de leurs ricochets, de leurs assonances, le sens.

C’est de la voltige : en équilibre sur la crête de chaque phrase, une pirouette se prépare. C’est de la jongle : admirez l’image qui virevolte, un petit tour et elle rebondit. C’est de la prestidigitation : est-ce une histoire, est-ce une chanson ?

Le rythme, la musicalité structurent chacun de ses textes, gourmandises qui se savourent à voix haute, à tue-tête. Et au cœur de cette virtuosité, une sensibilité intacte : celle de l’enfance en liberté, de son émotion brute. Dans ses histoires, les personnages composent avec l’insolite pour toujours y révéler une pépite. Le merveilleux et la malice cohabitent. Et des enfants sans froid aux yeux, téméraires parce que curieux, des enfants casse-cou n’ont pas peur du loup, l’apprivoisent à force de fantaisie. Des héros et héroïnes à la soif d’aventure immense ne demandent qu’à entrer dans la danse. Des merlines et des merlins, enfants obstinés, magiciens, enfants follets, au pas léger, embrasent le monde autant qu’ils l’enchantent. Ouvrent la voie.

Alors en entrant dans l’univers de Juliette, acceptez de perdre pied. Détachez, s’il vous plaît, toute ceinture de sécurité. Laissez là vos cailloux de poucet : les pompons de lapins blancs, ça se suit en confiance. 

Et plongez dans le terrier.

Annabelle Fati, autrice

Isaac Wens 

© Lily Magnin

Il y a quasiment trente ans, je fis la connaissance d’Isaac, alors jeune et fringuant, tout juste refroidi par les promesses non tenues d’un éditeur peu scrupuleux. Nous avons eu l’honneur et l’agrément de publier son premier album, l’inoubliable Castor Joseph, parrainé par Caza. 
Ce petit livre loufoque ne rencontra pas, hélas les faveurs du grand public, mais nous n’avons pas été découragés pour autant, puisqu’en l’an 2000 nous avons édité Robert le Diable qui trouve vingt-cinq ans plus tard un prolongement que personne (à part nous) n’attendait plus. 
Isaac depuis ses premières publications chez Mosquito, a multiplié les collaborations avec des scénaristes et les livres sur des sujets aussi différents que : la fin de vie, Jack l’éventreur, Moby Dick ou le récit de guerre…
À l’heure où la bande dessinée est submergée par les monumentaux et parfois indigestes romans graphiques, nous retrouvons avec plaisir dans le projet à paraître “La fille du bois tordu” le charme des romans gothiques et des enquêtes à la manière de Jean Ray.
Isaac renoue ainsi avec les thèmes qui lui sont chers, le fantastique, les histoires en costumes du début du vingtième siècle, les personnages hauts en couleurs et ce qu’il faut “d’understatment” dans les dialogues pour ménager nos nerfs. 
Convoquant “vampires, fantômes et squelettes” comme le chantait Jacques Higelin, son prochain livre sera un récit mystérieux situé en Gascogne, où il vit, et signe le retour d’Isaac à la réalisation complète, scénario dessins et couleurs, pour un album très personnel que nous sommes heureux d’accueillir dans le catalogue des éditions Mosquito.

Michel Jans, éditeur de Mosquito

Isabelle Wlodarczyk

©D.R.

J’ai rencontré Isabelle en finalisant un projet scolaire que nous avions en commun. Ensemble, nous nous sommes lancés dans un beau projet, l'histoire la première petite fille noire à rentrer dans une école de Blancs au temps de la Ségrégation. Isabelle a écrit un texte magnifique dont les enfants se sont inspirés pour créer des paroles sur mes musiques. C'est enfin la guerre d’Espagne qui nous à rapprochés. Elle travaillait sur Guernica et m'a demandé de lui partager mon histoire familiale. Elle a entendu la voix de ma mère et a décidé d’en faire un roman. Et c'est là que j'ai découvert le talent d'Isabelle lorsqu'elle aborde un sujet. Plus de trois ans d’enquête à sillonner ensemble les routes de France pour recomposer le puzzle de l'exode de ma famille. Le magnifique livre Les jours de poudre jaune est né de ce travail.

L'écriture d'Isabelle m'a séduit par les sujets qui l'animent mais aussi par la subtilité avec laquelle elle les traite. Elle nous porte à réfléchir, nous guide, nous interpelle, Isabelle s'empare des sujets qui la bouleversent, la questionnent et nous les rend accessibles par sa poésie. Que ce soit pour un album jeunesse comme Coeur de Hibou qui aborde l'adoption et la différence ou Un sapin où en quelques mots on ressent le climat- il m'est même arrivé d'avoir un peu froid en le lisant.  L'écriture d'Isabelle me touche profondément. Nous avons réuni en 2018 nos passions pour les mettre au service de cette jeune maison d'édition qu'est Babouche à oreille. 

 

Pierre Diaz, musicien, compositeur, arrangeur et pédagogue